[…] ce vendredi matin, vers neuf heures, alors que nous levons le camp dans son traditionnel désordre organisé, nous n’en croyons pas nos yeux. Devant nous, la silhouette nonchalante d’un dromadaire descend  les dunes. Un homme entre deux âges le tient par une corde. Il est vêtu d’une djellabah blanche et porte des chaussures de tissu cousu à la main. Il s’arrête, échange des politesses avec les chameliers, pendant que nous, les femmes, avançons vers la jeune femme assise sur le chameau. Sa femme ? Agée de vingt-cinq ans environ, elle est enveloppée dans un voile blanc qui couvre sa tête et ses épaules. Vision biblique. De chaque côté, deux adorables brunettes intimidées- deux et trois ans peut-être- sont assises en équilibre dans de grands couffins d’osier. Nous nous approchons, sous le charme et faisons connaissance avec Werda ( Rose ), Aïcha et leur maman. A plusieurs reprises, nous entendons un drôle de petit bruit. Miaulement ? Vagissement ? Nous devons rêver. Tout à coup, la jeune femme, souriante et en confiance, dégage les tissus devant elle et nous montre, enveloppé dans ses langes et la tête couverte d’un minuscule chèche, un bébé. Un nouveau-né, à la peau claire et aux cils collés par les grains de sable. C’est FATIMA, trois jours. Nous appelons les hommes, à l’écart en train de bâter les dromadaires, et penchons tous nos têtes, bouleversés par ce petit enfant du désert, sur qui déjà sa maman replie les couvertures, oisillon à protéger dans son nid douillet.
Cet homme à pied est le père de la jeune femme ; selon la coutume, elle est venue accoucher dans sa famille et il la reconduit à son mari. Ainsi nous avons vu avant son père cette troisième petite fille que sa femme vient de lui donner. Cela nous trouble beaucoup. Chacun défait ses bagages et offre un vêtement chaud. Abdallah-Balthazar s’approche en tenant une boîte de fromage à tartiner. Eh oui, nous n’avons plus de dattes.
Ce vendredi matin, nous marchons longtemps en silence, graves, émus, remerciant le désert de nous avoir fait ce cadeau somptueux, à la toute fin de notre marche. Choukrane, mektoub, c’était écrit. […]

Evelyne.
De Ain Sbat à El Borma – Février 2004

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